Urgesat ! SF Page 2 : de l'anti-utopie
11.1.04
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Aldous Huxley : « Temps futurs »
Titre original : « Ape and Essence » (1949)
Editions francophones :
1 : Edition de Paris (1949)
2 : Slatkine (1980), avec une présentation de Jacques Goimard.
3 : Presses Pocket n°2099 (1982)
Traduction : Jules Castier.
Si le « Meilleur des mondes » est le texte le plus connu d’Aldous Huxley, il ne faut pas oublier que d’autres oeuvres de cet auteur relèvent aussi de la conjecture. On peut mentionner « L’Ile » qui relève de l’utopie à proprement parler et « Temps futurs » qui est plutôt apparenté aux nombreuses histoires post-cataclysmiques qu’a proposé la Science Fiction.
Au moment où Aldous Huxley a rédigé « Temps futurs », il était parti pour la Californie et cherchait à travailler pour les grands studios de cinéma d’Hollywood. C’est cela qui lui a sans doute donné l’idée de la forme de ce texte qui ne se présente pas comme un roman classique. Il s’agit en fait d’un scénario de film sauvé in extremis du pilon. Il est publié tel quel par celui qui l’a sauvé et après un long prologue qui nous explique cela, nous pouvons lire ce scénario signé William Tallis.
L’histoire se passe en 2108 quelques décennies après la Guerre Atomique qui a ravagé la planète. Deux zones géographiques ont été épargnées par la Bombe : l’Afrique équatoriale et la Nouvelle Zélande. Si Huxley ne s’attarde pas sur l’Afrique, il nous propose de suivre une expédition néo-zélandaise qui part à la redécouverte de l’Amérique et qui débarque en Californie.
Là, un savant néo-zélandais très victorien d’allure et d’esprit va être confronté à une nouvelle humanité née des retombées nucléaires. Un nouveau culte dédié à Bélial a remplacé le christianisme car pour les Californiens d’après la Bombe, c’est le Diable qui l’a emporté sur « l’Autre », comme ils disent eux-mêmes. Les prêtres de ce culte sont châtrés et président aux cérémonies d’euthanasie des bébés nés malformés et aux accouplements au moment de la période du rut car les hommes et les femmes ne s’unissent plus que quelques semaines par an.
Les hommes qui ne subissent pas ce cycle annuel sont appelés les « Chauds » et sont bannis ou tués.
Le savant en question rencontrera l’amour et tentera de rejoindre avec celle qu’il aime une ville située très loin et habitée par les « Chauds »...
On retrouve dans ce roman les obsessions sexuelles d’Aldous Huxley et un mélange de fascination et de répulsion pour le sexe. L’homme est à la fois ange et démon ou ange et singe, encore que dans ce roman, il tombe clairement du côté bestial.
L’idéologie politique d’Huxley est encore plus présente : méfiance vis à vis du progrès scientifique (la Terre souffre et finira bien un jour par se révolter), profond pessimisme. Cela dit, en 1949, la peur nucléaire était quelque chose de très répandu en Occident. Les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki datent de 1945 et la première bombe nucléaire soviétique explose en 1949, année de la parution de « Temps futurs ». On considère en général que la « guerre froide » commence en 1947 et le blocus de Berlin en 1948 avait montré que les tensions pouvaient être vives entre les deux blocs. L’inquiétude de l’époque se comprend donc et Huxley est représentatif du désarroi qu’ont dû éprouver les pacifistes dans ces années là.
Sur la forme, le parti pris de rédiger une sorte de scénario permet à l’auteur de glisser de nombreuses digressions et poèmes déclamés par un « récitant ». Ces commentaires très moralistes sont assez pénibles et finalement très conformistes. En tout cas, c’est ainsi qu’on peut les percevoir aujourd’hui. « Repentez-vous, tout cela finira mal, retrouvez les vraies valeurs sinon la Nature se vengera - mais surtout, surtout, ne jetez pas vos papiers par terre ! - etc. », tout cela accompagné d’un élan mystico-New Age est bien en accord avec le nouvel obscurantisme véhiculé par les écologistes de notre époque.
Une révolte, certes mais pour quoi ?
Sylvain
Référence :
- « Encyclopédie de l’Utopie, des Voyages Extraordinaires et de la Science Fiction » par Pierre Versins (éd. L’Age d’Homme, 1972), article « Aldous Huxley », page 444.
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